Une houblonnière sur sol vivant, pourquoi ? Comment ?
Au départ, dans un petit village costarmoricain, existait une prairie idéalement exposée sud-ouest avec une inclinaison rappelant les coteaux viticoles et surplombant une zone boisée humide. Un biotope parfait pour le houblon !
Depuis longtemps convaincu par la nécessité de préserver les écosystèmes, je souhaitais également minimiser l’impact carbone de mon exploitation. C’est donc assez naturellement que je me suis orienté vers un mode de production agroécologique. Sans produit chimique, c’était évident mais je souhaitais au travers de ma démarche conserver l’écosystème existant, y intégrer une houblonnière puis augmenter la biodiversité dans celle-ci. Les conférences de « Ver de Terre Production » m’ont conforté dans ce choix, l’expérience des maraîchers sur sol vivant (MSV) a également été une bonne source d’inspiration.
Les bases étaient posées.
J’ai opté pour une structure en bois (Douglas) composée de 250 structures type « pergolas » de 4 x 4 m qui sont reliées ensemble pour assurer la solidité de l’ensemble. Tous les poteaux sont surélevés du sol par des plots béton pour protéger le bois du pourrissement. Cette structure est donc durable, sans entretien et me permet de poser une échelle à n’importe quel endroit de la houblonnière : très pratique pour couper les lianes secondaires où se concentrent les cônes lors de la récolte. Cela facilite également l’accès dans la partie expérimentale pour l’observation et les manipulations liées aux croisement génétiques. Cette structure me permet de travailler en sécurité avec une simple échelle déplaçable.
Avant de construire la structure avec un ami charpentier, la parcelle a été préalablement tondue très court pour effectuer un marquage précis de la parcelle à partir du plan en vue d’installer des toiles de paillage. Une petite tranchée pour enterrer le premier coté, l’autre étant refermé par des piquets métalliques traversants des œillets. Cette toile a permis d’enfermer un apport massif de vieux foin et d’occulter la lumière pour désherber les futurs rangs.
Pour stimuler la vie du sol, toute matière sèche organique peut-être apportée, le foin a l’avantage de se décomposer très vite. Depuis, le cycle de décomposition est entretenu avec du BRF (bois raméal fragmenté = broyat de feuillus) qui est fabriqué directement à l’exploitation à partir des tailles d’arbres des talus. Ce BRF est entreposé en tas à l’extérieur pour accélérer son mûrissement et la constitution du mycélium utile pour la mycorhization, il est ajouté au pied du houblon en automne et printemps au fur et à mesure des besoins. En quelques années la surface du sol sous la toile se transforme en humus comme en forêt. Les plants de houblons ont donc trouvé naturellement les éléments favorables à leur implantation.
Pour créer et entretenir un sol vivant, il y a donc quelques règles de base :
– apporter de la matière organique sèche
– garder un couvert permanent dans les allées d’accès
– ne pas déstructurer le sol mécaniquement
Respecter ces contraintes permet à la biodiversité végétale et animale de s’installer durablement. Chaque année, de nouvelles espèces viennent grossir l’inventaire, la houblonnière étant devenue une « zone refuge » pour beaucoup d’animaux malmenés par l’agriculture intensive, ce sont eux qui rapportent les graines des nouvelles espèces dont ils se nourrissent, la chaîne alimentaire se complète ainsi et la régulation biologique s’installe alors. Finalement, les bio-agresseurs du houblon sont régulés naturellement et de manière plus efficace qu’une intervention humaine.
Cette méthode de culture n’est pas une approche globale. Chaque cas est étudié séparément. Par exemple, les espèces favorables à la biodiversité sont conservées jusqu’à la production de graines pour qu’elles continuent leur expansion alors qu’une espèce trop invasive sera limitée à quelques spécimens en périphérie. Un tracteur léger pour éviter le tassement du sol sert à effectuer un broyage assez haut des allées, principalement pour permettre l’accès aux rangs au printemps et fin d’été pour la récolte, le reste étant laissé en hautes herbes pour certaines espèces animales. Le broyage en fin d’automne permet de constituer un stock de matière organique pour alimenter la biodiversité du sol et de permettre l’émergence de nouvelles espèces végétales. Un désherbage sélectif est effectué régulièrement dans la saison à la débroussailleuse sur les espèces invasives pour limiter leur implantation.
La culture sur sol vivant pourrait paraître comme une solution simple, ce n’est pas le cas. Le plus long étant de connaître le fonctionnement de son propre écosystème, ce qui demande observation et expérimentation. Connaître toutes les interactions au sein de celui-ci n’est pas possible, il faut l’accepter, au mieux, on peut apporter les éléments indispensables pour le constituer puis l’améliorer mais il faut rester humble : la nature a fait, fait et fera toujours mieux que nous, il faut faire avec et comme elle, pas lutter contre…